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Comment la Russie et l'Azerbaïdjan affaiblissent les valeurs européennes

Le dictateur azerbaïdjanais Ilham Aliev

La mine de documents publiés la semaine dernière par le Consortium International des Journalistes d'investigation (ICIJ), un réseau anti-corruption, offre un aperçu fascinant sur la façon dont les riches de ce monde se soustraient aux impôts.

Ces documents ont été largement couverts par les médias occidentaux, mais pas dans les pays semi-democratiques ou autoritaires comme la Russie et l'Azerbaïdjan. L'ICIJ a donné des détails sur la façon dont les hauts responsables des deux régimes ont amassés des fortunes par le biais de comptes offshore secrets.

L'attention portée par les médias pour les fichiers de ICIJ est quelque chose dont le président russe, Vladimir Poutine , et son homologue azéri, Ilham Aliev, se seraient bien passés. Après tout, les documents révèlent comment, au fil des ans, les deux dirigeants ont construit un système étroitement contrôlé, corrompu et opaques, hors de tout contrôle juridique indépendant.

Les deux dirigeants ont d'autres choses en commun. Ils verrouillent fortement les ONG afin de maintenir leur emprise sur le pouvoir.Ils sont également très critique envers l' Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui assure, entre autres, un suivi des processus électoraux et de leur régularité.

Et tous les deux ont construit les économies de leurs pays sur l'énergie , convaincus que les investisseurs et les politiciens occidentaux serraient aveugles aux violations des droits humains afin d'avoir accès à ces ressources.

C'est exactement ce qui s'est passé au sein du  Conseil de l'Europe , l'institution qui, au-delà de l'Union européenne, est chargée de promouvoir la coopération entre toutes les nations d'une très grande Europe.

Le Conseil de l'Europe fut l'organisation que les pays d'Europe centrale et orientale et de l'ancienne Union soviétique aspirait à rejoindre après l'effondrement du communisme en 1989. L'adhésion de ces Etat au Conseil était censée confirmer qu'il en avaient adopté les valeurs démocratiques.

Mais depuis que la Russie et l'Azerbaïdjan ont adhéré, en 1996 et 2001 respectivement, ils ont tout fait pour affaiblir le Conseil de l'Europe de l'intérieur en sabotant les rapports critiques sur leurs propres manquements aux droits de l'homme. Ils ont souvent reçu l'appui de plusieurs délégations du Conseil, y compris de celles de l'Espagne, de la Turquie, du Royaume-Uni, de la France, de la Hongrie et la Pologne.

Christoph Strässer  député social-démocrate allemand et rapporteur sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan pour l'Assemblée Parlementaire du Conseil, affirme qu'il est dégoûté de ce qui se passe.

Il fait valoir que les parlementaires qui défendent l'Azerbaïdjan , sans hésitation sont souvent invités à des voyages somptueux dans le pays. Les entreprises européennes à la solde du régime du président Aliev font aussi pression de manière intensive à Strasbourg, siège du Conseil de l'Europe.

Lorsque Strässer a récemment demandé à l'Assemblée Parlementaire de voter sur les performances de l'Azerbaïdjan en matière de droits de l'Homme, il a été battu. "Nous ne pouvions pas défendre nos valeurs", a t-il dit à Carnegie Europe.

Robert Walter , député conservateur britannique, a déclaré au cours du débat: "Malheureusement, le rapporteur, M. Strässer, qui se passionne pour cette question, n'a pas visité les prisons et les prisonniers en Azerbaïdjan".

Comment le pourrait-il? "Malgré de nombreuses demandes, le régime azéri ne m'a accordé aucun visa", a déclaré Strässer. Strässer  qui a reçu le soutien du gouvernement et de l'opposition allemands , estime que la crédibilité du Conseil de l'Europe est atteinte de l'intérieur.

C'est une leçon importante pour l'Union européenne, aussi.

Si l'UE et le Conseil de l'Europe sont censés représenter les valeurs démocratiques de l'Europe, que se passe-t-il lorsque ces valeurs sont compromises par un Etat membre?

L'Union européenne souffre de nombreux exemples de tels manquements en son sein, de l'éternelle corruption en Roumanie et en Bulgarie, à l'ingérence dans le système judiciaire en Hongrie , à la discrimation envers les Roms en République tchèque et en Slovaquie. Aucun de ces cas ne sont à la même échelle que ceux relevés en Azerbaïdjan ou en Russie, mais ils sont assez dangereux.

Idéalement, Strässer souhaiterait des sanctions à l'encontre de ces pays. "Mais vous ne parviendriez jamais à obtenir le soutien unanime" a t-il ajouté.

Strässer et de nombreuses ONG estiment que l'UE pourrait être beaucoup plus critique envers l'Azerbaïdjan, qui, après tout, est à la recherche des liens plus étroits avec Bruxelles à travers la politique de voisinage de l'Union européenne, et envers la Russie, qui veut une exemption de visas pour ces citoyens voyageant en Europe.

L'UE, le Conseil de l'Europe et l'OSCE ont certains moyens de pression, s'ils choisissent de les utiliser. Ils devraient "nommer et blamer" les Etats les moins coopératifs en matière de Droits humains et  faire beaucoup plus pour soutenir les mouvements de la société civile. Cela pourrait stimuler les militants pro-démocratie de ces pays..

Après tout, n'oublions pas ce qui s'est passé après la signature en 1975 de l'Acte final d'Helsinki , une déclaration destinée à améliorer les relations entre le bloc communiste et l'Occident. Il a donné un énorme coup de pouce politique et psychologique pour les mouvements dissidents en Europe de l'Est et en Union soviétique. Ils estimaient avoir ainsi reçu un soutien moral, de la part de l'Europe occidentale et desÉtats-Unis.

Ce soutien est aujourd'hui plus nécessaire que jamais pour les zones périphériques de l'Europe et au-delà. Il est temps pour l'Union européenne, le Conseil de l'Europe et de l'OSCE de prendre publiquement position contre les membres qui cherchent à saper les valeurs de l'Europe et même à détruire son cap.

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